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les antinomies entre l’individu et la société

Mais on peut concevoir un autre individualisme qu’on peut appeler individualisme aristocratique ou héroïque : c’est l’individualisme de ceux qui s’originalisent par une action utile et durable exercée sur leurs semblables.

L’individualisme stirnérien, uniciste, égotiste, est forcément antisocial. C’est l’individualisme de la révolte pour la révolte.

L’individualisme aristocratique n’est pas, dans son principe, antisocial comme l’autre. Il fait une part à la sociabilité ; il tient compte des intérêts sociaux, il se dévoue pour quelque grande cause. L’amour du risque, l’intrépidité sont mis ici au service d’une idée sociale. Aussi bien, pour établir des rangs entre les hommes au point de vue de l’originalité féconde, est-il nécessaire de faire appel à des considérations sociales. L’idée d’héroïsme implique une sociabilité supérieure. C’est à cause des conséquences sociales de son initiative que le Stockmann d’Ibsen est regardé comme un héros. D’ailleurs l’homme supérieur, s’il s’isole de son groupe, ne s’isole pas de toute société. Stockmann s’isole de sa petite ville ignorante, intolérante et égoïste ; mais il ne s’isole pas d’une société supérieure et idéale, celle des savants, des médecins dont il a reçu l’enseignement et dont il garde l’esprit. L’individualisme aristocratique n’est pas une révolte absolue à l’égard de toute société. C’est un individualisme relatif qui s’attaque