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les antinomies entre l’individu et la société

pauvres, dans les pays d’Orient, sont moins pauvres et plus cultivés que chez nous. Les besoins de la vie y sont trop réduits pour que la pauvreté y soit dure à supporter. Le pauvre d’autre part y avait des loisirs et souvent une culture sentimentale très raffinée. C’est ce qui explique que Jésus, bien que pauvre, put s’élever à une culture supérieure et acquérir une influence exceptionnelle. Il put aisément répandre ses doctrines dans ce petit pays de Judée où l’action du pouvoir central n’existait pas ou du moins était peu encombrante.

Mais avec le développement social, la part de l’imitation, du conformisme, de la réglementation, de l’action routinière et imposée va croissant ; celle de l’action personnelle, vraiment réfléchie et voulue, va en diminuant. On est amené à délibérer sur un nombre d’actes de moins en moins grand, les pratiques sociales étant mieux fixées et la réglementation plus minutieuse. — On peut remarquer encore que la discipline sociale est d’autant plus forte dans les sociétés très civilisées, que les peines sociales y sont moins brutales. La discipline de l’opinion, des mœurs, des idées, de la sociabilité est plus douce, plus généralement applicable et plus efficacement appliquée pour détruire l’originalité que les moyens violents, que leur violence même rend d’un emploi difficile et exceptionnel. On comprend que Renan ait pu, à la fin de la vie de Jésus, poser cette ques-