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tacle. Elle comprend les âmes qui ont à la fois des passions assez fortes et un sentiment assez vif du devoir. C’est chez ces âmes qu’éclate le conflit cornélien et stirnérien entre la passion et le devoir. Ce sont ces âmes ballottées et inquiètes que Stirner plaint surtout comme les victimes de la morale. Il faut ajouter que le problème éthico-psychologique se complique d’un facteur important : le facteur social et même économique.

La morale qui, réduite à ses propres forces, serait assez faible, est renforcée d’un cortège d’influences sociales : force de l’opinion, crainte des préjugés, des supérieurs hiérarchiques, de tous les gens dont on dépend, de toute l’organisation sociale qui s’arrange toujours pour écraser le faible et l’isolé à la moindre incartade, au premier acte ou à la première parole qui froisse les préjugés. — La morale reçoit de ces auxiliaires un renfort dont elle a bien besoin, et c’est la police sociale plus que la morale qui assène « son rude poing » sur les indépendants et les réfractaires.

C’est ce qu’a bien vu Stirner. Sa pitié révoltée va aux faibles économiquement, à ceux qui ont besoin de la considération des voisins pour vivre et pour manger, à ceux qui, dépendants, sont forcés de compter avec tous les Tartuffes de la morale.

Dans notre société, l’argent donne l’indépendance à l’égard de la morale comme à l’égard des autres servitudes, et c’est pourquoi les immoralistes feront bien d’imiter Philippe, du Jardin de Bérénice, quand