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Psychologiquement, une des sources de l’ironie est l’orgueil, cet orgueil qu’Amiel a appelé chez Chateaubriand « le mépris d’un géant pour un monde nain ». Le mépris, quoi qu’on ait pu dire, est une grande vertu intellectuelle et esthétique. Savoir mépriser est une grande force et une grande supériorité, tout comme savoir admirer. D’ailleurs les deux vont de pair.

Par son aspect individualiste, pessimiste et aristocratique, l’ironie apparaît comme un sentiment essentiellement romantique. L’ironie est un romantisme de la pensée et du sentiment. Un des principaux penseurs romantiques, Frédéric Schlegel, s’est érigé en théoricien de l’ironie. On sait que ce philosophe a entendu la liberté absolue de Fichte, c’est-à-dire le suprême désintéressement, le dépouillement absolu du moi, dans le sens d’un dilettantisme esthétique, d’un ironisme détaché de tous les devoirs, qui annonce déjà l’immoralisme de Nietzsche.

Les héros romantiques : un Adolphe, un M. de Couaen, un M. de Camors, sont des ironistes pessimistes et immoralistes, sérieux toutefois et de portée vraiment philosophique, sans rien de l’emphase mélodramatique des fantoches de Hugo. Les époques classiques sont peu enclines à l’ironie. Le naturalisme qui représente un art populaire et philistin ne l’est pas davantage. L’ironisme semble donc rester un trait caractéristique de l’art et de la pensée romantiques.

Sur le terrain philosophique, l’ironisme est, cela