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touche de plus près, c’est-à-dire sur la société de leurs semblables. C’est sur la vie sociale, sur ses travers, ses ridicules, ses contradictions, ses étrangetés et ses anomalies de toute sorte, que s’est exercée de tout temps la verve des grands ironistes. On pourrait trouver chez les observateurs, les théoriciens et les peintres de la vie sociale toutes les formes et toutes les nuances de l’ironie : soit l’ironie misanthropique et méchante d’un Swift, soit l’ironie scientifique et métaphysique d’un Proudhon, soit l’ironie tempérée de sourire et d’indulgence d’un Thackeray ou d’un Anatole France.

Dans ce milieu complexe, ondoyant, déconcertant et menteur qu’est le monde social, l’ironie se déploie comme sur sa terre d’élection.

Elle est une des principales attitudes possibles de l’individu devant la société ; elle est en tous cas une des plus intéressantes. Elle voisine avec d’autres attitudes de pensée qui lui ressemblent sans se confondre avec elle : scepticisme social, pessimisme social, dilettantisme social ou disposition à envisager et à traiter la vie sociale comme un jeu, comme un spectacle tragique ou comique, comme un mirage amusant, troublant et décevant, dont on jouit esthétiquement sans le prendre au sérieux.

C’est comme attitude de l’individu devant la société que l’ironie intéresse le psychologue social. Il importe toutefois, avant d’examiner les causes sociales de l’ironie ou les applications qu’on en peut faire au spectacle de la société, de dire un mot des