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en est précisément le contraire, il ne se livre en toute sincérité à personne, il n’est qu’une sympathie toute théorique, un intérêt qui s’attache à l’homme en tant qu’homme et non en tant que personne. La personne est indigne de cet amour, parce qu’elle est égoïste, qu’elle n’est pas l’Homme, l’idée à laquelle seule peut s’attacher l’intérêt spirituel. Les hommes comme vous et moi ne fournissent à l’amour pur qu’un sujet de critique, de raillerie et de radical mépris ; ils ne sont pour lui, comme pour le prêtre fanatique, que de l’« ordure », et pis encore[1]. » C’est ainsi que l’humanisme spiritualise la sympathie, qu’il la détache de l’individu, en un mot qu’il la désindividualise. L’humanisme est une invasion de l’esprit prêtre sur le terrain du sentiment. C’est une spiritualisation de l’amour. C’est la froideur glaciale du règne de l’Esprit. C’est la dureté de cœur du prêtre ou de la nonne qui n’ont d’affection pour rien, hormis Dieu.

C’est en vertu de ce grand principe de l’humanisme que l’individu en tant que tel est en suspicion et en haine à ces grandes collectivités qui s’érigent en autorité morales supérieures et qui prétendent l’annihiler et l’absorber : la Société, l’État, etc. Elles cherchent à détruire autant que possible les relations privées d’homme à homme, ce que Stirner appelle le libre « commerce » des individus, par opposition à la société. — Autre chose en effet est le libre com-

  1. Stirner, l’Unique et sa propriété, p. 27.