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LA SENSIBILITÉ INDIVIDUALISTE.

qu’elles ne sauraient fournir. Il est convaincu que sans esprit juste il n’y a pas de bonheur possible. Il écrit : « La vraie science, en tout, depuis l’art de faire couver une poule d’Inde jusqu’à celui de faire le tableau d’Atala de Girodet, consiste à examiner avec le plus d’exactitude possible les circonstances des faits ; » voilà cette logique stendhalienne sur laquelle on s’est tellement mépris. Elle est, avant tout, un instrument d’action, non de contemplation[1]. Tel est l’égotisme stendhalien. — La sensibilité individualiste peut se rencontrer aussi, mais plus rarement, chez les actifs, les manieurs de grandes affaires et les meneurs d’hommes. L’action s’accompagne chez eux d’une sorte de dilettantisme supérieur et de détachement nietzschéen. Tel est le portrait que M. Barrès fait de Disraeli : « Si Disraeli, mieux qu’aucun homme, sut jouer de la société, ce fut toujours un jeu, c’est-à-dire une action passionnée, mais désintéressée, quand même ! Poète, dandy, ambitieux et manieur d’hommes, ce méprisant Disraeli gardait le don de mettre chaque chose à son plan : il ne dépendit jamais de rien[2]. »

D’un autre point de vue et en se servant d’une distinction nietzschéenne reprise par M. Seillière[3], on pourrait distinguer deux types d’individualistes selon que prédomine en eux la sensibilité dionysiaque

  1. C. Stryienski, Soirées du Stendhal-Club (Avant-propos, p. XVII).
  2. Barrès, l’Ennemi des lois, p. 167.
  3. E. Seillière, Apollon ou Dionysos.