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de la nature humaine et la légitimité de son libre épanouissement. Il s’oppose à la condamnation chrétienne de nos instincts naturels, et on conçoit les réserves que M. Dupont-White, le traducteur de l’Essai sur la Liberté, a cru devoir faire du point de vue spiritualiste et chrétien (condamnation de la chair) en ce qui concerne ce principe[1]. Non moins optimiste est le principe humaniste. L’humanisme, en effet, n’est rien autre chose que la divination de l’homme dans ce qu’il a de général, de l’espèce humaine et par conséquent de la société humaine. On le voit, l’anarchisme, optimiste en ce qui concerne l’individu,

  1. « Eh bien, dit M. Dupont-White, je ne puis croire à ce dogme ! Ce n’est pas chose à proposer aux hommes que de se montrer tels qu’ils sont, que d’apparaître tout entiers. Si notre nature était une en ce sens qu’elle fût purement spirituelle, on pourrait à ce titre encore lui rendre la main et la livrer à tout son essor : l’égarement ne serait pas à craindre… mais quand un être porte en lui des impulsions si différentes, si contradictoires, n’est-il pas bien hasardeux de le convier au développement de toute sa nature dans sa plus riche diversité ? Encore un peu et vous direz comme Fourier que les passions viennent de Dieu et que le devoir vient de l’homme. C’est tout au moins trop de complaisance pour les penchants très divers, quelques-uns très saugrenus, qui persistent avec tant d’éclat au-dessus du singe. » La conclusion est à peu près celle que donnerait M. Brunetière : « Gardez-vous de provoquer un être ainsi fait et ainsi conditionné à s’épanouir dans toutes ses proportions. Qu’il se cultive et se manifeste à certains égards, soit : mais surtout qu’il se borne, qu’il se réduise, qu’il s’efface, tel est l’idéal à son usage. Au surplus, ceci n’est pas une question : nous ne sommes en société que pour en tirer ce bénéfice d’une contrainte mutuelle, je dirais presque d’une mutilation universelle. » (Dupont-White, préface de l’Essai sur la Liberté de St. Mill.)