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L’ŒUVRE DE VAUVENARGUES.

mystiques. « Hélas ! que vous êtes heureuses, âmes simples, âmes dociles ! Vous marchez dans des sentiers sûrs… Être juste, pourquoi m’avez-vous délaissé ? »

Parfois même, à la pensée de la mort, il eut des retours soudains vers les états intérieurs par lesquels il avait passé jadis. Ce n’étaient pas, à vrai dire, des élans de prière chrétienne, mais des aspirations spiritualistes, de vagues appels de l’âme vers les régions sereines. « Ô mon Dieu ! si vous n’étiez pas pour moi, seule, délaissée dans ses maux, où mon âme espérerait-elle ? »

Sa foi dans l’immortalité demeura entière jusqu’en ses derniers jours. Une belle page des Maximes nous en donne la preuve : « Mes passions et mes pensées meurent, mais pour renaître ; je meurs moi-même sur un lit, toutes les nuits, mais pour reprendre de nouvelles forces et une nouvelle fraîcheur ; cette expérience que j’ai de la mort me rassure contre la décadence et la dissolution du corps : quand je vois que la force active de mon âme rappelle à la vie ses pensées éteintes, je comprends que celui qui a fait mon corps peut, à plus forte raison, lui rendre l’être. Je dis dans mon cœur étonné : « Qu’as-tu fait des objets volages qui occupaient tantôt ta pensée ? Retournez sur vos traces, objets fugitifs. » Je parle, et mon âme s’éveille ; ces images immortelles m’entendent, et les figures