Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
AMITIÉ DE VOLTAIRE.

tence indépendante, cherchait à le retenir en Provence ; mais il sentait que le séjour de Paris, où l’appelaient à la fois l’amitié de Mirabeau et les conseils affectueux de Voltaire, était nécessaire à son développement intellectuel et moral, et que vivre dans la retraite au château de Vauvenargues, c’était se condamner à l’impuissance et à l’étiolement : si étroite et si pénible que dût être sa vie à Paris, il la préférait cent fois à celle où on voulait le contraindre, parce qu’il l’estimait seule digne de lui. Son père opposa à ces projets une résistance qui semble avoir été assez vive, soit qu’il les désapprouvât formellement[1], soit que, par tendresse pour son fils, il ne le vît pas sans inquiétude s’engager, loin de lui, dans une existence qui serait pleine de risques, de difficultés et de misères. À défaut de documents explicites sur ce point de la vie de Vauvenargues, la biographie d’un autre penseur — bien différent par la forme du génie et

  1. Vauvenargues semble avoir fait allusion à celle désapprobation dans un fragment de l’Essai sur quelques caractères (§ 47) ; les détails en sont curieux : « Anselme est outré que son fils témoigne du goût pour les sciences ; il lui brûle ses papiers et ses livres, et comme il a su que ce jeune homme avait fait un souper avec des gens de lettres, il l’a menacé de l’envoyer à la campagne, s’il continuait à voir mauvaise compagnie. « Que ne lisez-vous, lui dit-il, puisque vous aimez la lecture, l’histoire de votre maison ? Vous ne trouverez pas là des savants, mais des hommes de la bonne sorte ; c’est vous qui serez le premier pédant de votre race !