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AMITIÉ DE VOLTAIRE.

par un chef-d’œuvre indiscutable et d’écraser par un coup de maître le rival qu’on prétendait lui opposer. Afin de mieux marquer son intention et de donner plus d’éclat à son triomphe, il avait fait choix du sujet de Sémiramis que trente ans auparavant Crébillon, alors dans la force de son talent, avait déjà mis à la scène. Les circonstances dans lesquelles Voltaire allait affronter le jugement du public avaient donc une particulière gravité. Sa tragédie terminée, il en adressa aussitôt le manuscrit à son ami et sollicita avec instance sa critique. Voici avec quel tact Vauvenargues sut ménager l’amour-propre du grand écrivain qui le consultait et lui faire entendre un sage avis :

« Ce qui a fait que je vous ai si peu parlé de votre tragédie est que mes yeux souffraient extrêmement lorsque je l’ai lue et que j’en aurais mal jugé après une lecture si mal faite. Elle m’a paru pleine de beautés sublimes. Vos ennemis répandent dans le monde qu’il n’y a que votre premier acte qui soit supportable et que le reste est mal conduit et mal écrit. On n’a jamais été si horriblement déchaîné contre vous qu’on l’est depuis quatre mois. Vous devez vous attendre que la plupart des gens de lettres de Paris feront les derniers efforts pour faire tomber votre pièce. Le succès médiocre de la Princesse de Navarre et du Temple de la gloire leur fait déjà dire que vous