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AMITIÉ DE VOLTAIRE.

sa nature : le respect. Dès le début de leurs rapports et malgré la différence des âges (Voltaire avait 49 ans lorsqu’ils se connurent), il subit l’ascendant moral de son jeune ami ; il reconnaissait en lui une créature d’élite, une âme d’une autre race, un être supérieur à son temps : « Ce siècle, lui disait-il, ne vous méritait pas ; mais enfin il vous possède, et je bénis la nature ».

Marmontel, introduit dans l’intimité de ces deux rares esprits, a tracé dans ses Mémoires un tableau charmant des entretiens où chacun d’eux livrait le meilleur de soi, ce qu’il avait de plus vif, de plus naturel et de plus convaincu : « Les conversations de Voltaire et de Vauvenargues, écrit-il, étaient ce que jamais on peut entendre de plus riche et de plus fécond. C’était, du côté de Voltaire, une abondance intarissable de faits intéressants et de traits de lumière. C’était, du côté de Vauvenargues, une éloquence pleine d’aménité, de grâce et de sagesse. Jamais dans la dispute on ne mit tant d’esprit, de douceur et de bonne foi, et, ce qui me charmait plus encore, c’était, d’un côté, le respect de Vauvenargues pour le génie de Voltaire, et, de l’autre, la tendre vénération de Voltaire pour la vertu de Vauvenargues : l’un et l’autre, sans se flatter, ni par de vaines adulations, ni par de molles complaisances, s’honoraient à mes yeux par une liberté de pensée qui ne troublait jamais l’harmonie et l’accord de