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VAUVENARGUES.

les autres sont l’ouvrage de la vanité. » C’était bien, en effet, dans la sincérité de sa douleur que Vauvenargues l’avait composée, et il aurait pu y mettre la belle épigraphe qu’on voit en tête d’un acte de fondation pieuse du xie siècle : « Pro remedio animæ meæ. — Pour le soulagement de mon âme. »

Quant à sa pensée, jamais Vauvenargues ne l’avait sentie plus active que pendant ces deux années de campagne : elle s’était étendue et fortifiée au contact des faits et dans la variété des situations. Le soir, au bivouac ou sous la tente, il avait trouvé le moyen de noter les idées qui lui étaient venues pendant le jour ; il avait profité des repos du cantonnement ou de ses loisirs à Prague pour les ordonner et les développer ; et il avait ainsi rapporté dans ses bagages un Discours sur la gloire, un Discours sur les plaisirs, les Conseils à un jeune homme (tous ces écrits avaient été composés pour de Seytres), un Parallèle entre Corneille et Racine, un Fragment sur les orateurs et une Méditation sur la foi.

Mais, comme il n’est pas d’exemple que l’expérience n’entraîne avec soi quelque désillusion, quand Vauvenargues revint en France, au mois de décembre 1743, un grand changement s’était produit dans les idées qu’il s’était formées jusqu’alors sur le but et la direction de sa vie.