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VIE MILITAIRE.

des combats et des batailles qu’on donne sans lui[1]. »

D’autres réflexions encore datent évidemment du siège et de la retraite de Prague. Elles sont, pour ainsi dire, le commentaire des admirables lettres que le maréchal de Belle-Isle adressait alors (octobre 1742) au marquis de Breteuil à Versailles. « Ce sont presque toujours les partis audacieux qui réussissent », écrivait Belle-Isle. « Dans les

  1. Chateaubriand, se l’appelant, lorsqu’il écrivait les Martyrs, ses impressions personnelles de la campagne de 1792, a composé un tableau fort semblable à celui qu’on vient de lire : « Épuisé par les travaux de la journée, je n’avais durant la nuit que quelques heures pour délasser mes membres fatigués. Souvent il m’arrivait, pendant ce court repos, d’oublier ma nouvelle fortune ; et lorsqu’aux premières blancheurs de l’aube, les trompettes du camp venaient à sonner l’air de Diane, j’étais étonné d’ouvrir les yeux au milieu des bois. Il y avait pourtant un charme à ce réveil du guerrier échappé aux périls de la nuit. Je n’ai jamais entendu, sans une certaine joie belliqueuse, la fanfare du clairon, répétée par l’écho des rochers, et les premiers hennissements des chevaux qui saluaient l’aurore. J’aimais à voir le camp plongé dans le sommeil, les tentes encore fermées, d’où sortaient quelques soldats à moitié vêtus, le centurion qui se promenait devant les faisceaux d’armes en balançant son cep de vigne, la sentinelle immobile qui, pour résister au sommeil, tenait un doigt levé dans l’attitude du silence, le cavalier qui traversait le fleuve coloré des feux du matin, le victimaire qui puisait l’eau du sacrifice, et souvent un berger appuyé sur sa houlette, qui regardait boire son troupeau. » Il y a certes dans ce morceau plus d’art que dans celui de Vauvenargues, mais moins de sentiment, une imagination plus riche et plus colorée, mais une sincérité moins touchante et moins ingénue.