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VAUVENARGUES.

car, par les notions générales qu’elle comporte et par les problèmes moraux qu’elle soulève, la science de gouverner les hommes lui paraissait éminemment philosophique.

Ses idées à cet égard traduisent toutes le besoin d’une grande réforme politique et sociale, réforme à opérer par le haut, par cette noblesse dont il admet et glorifie le principe, mais dont il condamne l’insuffisance, l’égoïsme, la mollesse et la frivolité. Il sentait que l’état de choses dans lequel il vivait était irrémédiablement atteint et n’avait plus la force de subsister ; il apercevait les causes de cette décadence de l’État ; mais il n’osait les nommer : « Quand les maladies, écrivait-il, sont au point qu’on est obligé de s’en taire et de les cacher au malade, alors il y a peu d’espérance, et le mal doit être bien grand ».

Ces considérations n’étaient pas absolument nouvelles. Dès le début du siècle, du vivant même de Louis XIV, beaucoup de bons esprits, très sensibles aux défauts et aux excès d’un si long règne, se préoccupaient sérieusement d’établir dans l’État une règle moins despotique et de supprimer les abus. Fénelon, Vauban, Boulainvilliers, l’abbé de Saint-Pierre, Saint-Simon — pour ne citer que les principaux noms, — estimaient et professaient qu’une grande réforme était nécessaire au bien public. Mirabeau, le confident de Vauvenargues,