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ORIGINES LITTÉRAIRES.

rejeter…. La clarté orne les pensées profondes…. La netteté est le vernis des maîtres. »

Mais à côté de ces caractères classiques, le style de Vauvenargues présente déjà, tout au moins à l’état de symptômes, quelques-unes des qualités — celles de nombre et de mouvement, par exemple — que bientôt Rousseau et l’école romantique après lui tenteront d’introduire dans la langue. « Il faut, disait Vauvenargues, qu’il y ait une harmonie dans la bonne prose[1]. » La Méditation sur la foi est, à cet égard, un morceau des plus curieux ; elle est semée de vers non rimés, mais d’un rythme très régulier :

« Ô Dieu ! qu’ai-je fait ? quelle offense
Arme votre bras contre moi ?
Vous versez dans mon cœur malade
Le fiel et l’ennui qui le rongent.
Vous séchez l’espérance au fond de ma pensée ;

Vous noyez ma vie d’amertume ;
Les plaisirs, la santé, la jeunesse m’échappent.
 

J’ai laissé tomber un regard
Sur les dons enchanteurs du monde.
Et soudain vous m’avez quitté ;
Et l’ennui, les soucis, les remords, les douleurs,
Ont en foule inondé ma vie. »

En plus du nombre, la langue de Vauvenargues a aussi du relief et du coloris. Peu d’écrivains ont fait un plus heureux emploi des images naturelles

  1. Dialogues, 2.