Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
VAUVENARGUES.

qu’en faisant sortir vivement ce qu’il y a de vain et de faible dans la nature humaine, il en déguise toute la force et toute la grandeur, et qu’enfin il contente peu l’esprit d’un philosophe, plus touché de la peinture d’une seule vertu que de toutes ces petites défectuosités, dont les esprits superficiels sont si avides ». Il déplorait donc que l’auteur du Misanthrope eût abaissé des facultés si rares à ne peindre que les travers de l’homme, ses mesquineries, les effets comiques de son impertinence, de sa vanité ou de sa sottise, et ne se fût pas appliqué plutôt à la peinture des grands caractères et des fortes passions. Ici le goût et le cœur de Vauvenargues étalent en défaut. Qu’il n’ait pas apprécié l’hilarité bienfaisante, la gaieté franche et généreuse de Molière, passe encore. Mais comment n’avait-il pas deviné, sous le masque railleur, les larmes secrètes et le large fond de tendresse humaine ?

Si Vauvenargues attribue à l’instinct un rôle aussi considérable dans la direction morale de la vie et dans l’exercice de la pensée, c’est qu’il tient la nature humaine en plus haute estime qu’on ne l’a fait jusqu’alors. « L’homme, écrit-il dans ses Maximes, est maintenant en disgrâce chez tous ceux qui pensent, et c’est à qui le chargera de plus de vices ; mais peut-être est-il sur le point de se relever et de se faire restituer toutes ses vertus. »