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Ce n’est là qu’une partie des maux qui résultent du pitoyable système où l’on admet une chambre haute.

En tant que combinaison favorable à des intérêts particuliers, elle peut toujours s’affranchir d’une portion considérable des taxes ; & comme chambre héréditaire qui ne doit de comptes à personne, elle ressemble à un bourg abandonné à la corruption dont il faut briguer le suffrage en flattant sa cupidité. Parmi ses membres il n’y en a qu’un petit nombre qui ne soit pas, de manière ou d’autre, appelé au partage ou à la disposition des revenus publics. L’un prend une charge de porte-flambeau, ou de lord d’antichambre ; un autre, de lord de la chambre à coucher, de valet de la garde-robe, ou tel autre emploi insignifiant, qui donne un titre, & auquel sont attachés des appointemens à la charge du trésor public. Au moyen de ces voies détournées, on se soustrait à l’apparence de la corruption ; mais elles n’en sont pas moins une dégradation formelle de la dignité de notre espèce, & par-tout où l’on peut s’avilir à ce point, il ne sauroit y avoir de véritable honneur.

Il faut ajouter à cette liste de membres gangrenés, la foule des cliens, celle des branches cadettes & des parens éloignés, dont ils sont tenus de faire la fortune aux dépens de l’état. En un mot, s’il falloit calculer ce qu’une aristocratie coûte à la nation qui la tolère dans son sein, on trouvera, à peu de chose près, une somme équivalente au sacrifice qu’elle fait pour le soulagement des pauvres. Le duc de richemont (& cet exemple n’est pas unique) touche à lui seul ce qui feroit subsister deux mille pauvres ou viellards. Ne soyons donc plus étonnés que dans un pareil système de gouvernement, les impôts se soient élevés à une somme aussi effrayante.