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unissent les hommes les uns aux autres, & les sociétés aux sociétés, crée cette grande chaîne qui les lie. Le propriétaire, le fermier, le manufacturier, le négociant & le détailleur, & tous les arts ne prospèrent que par les secours mutuels & généraux qu’ils reçoivent. L’intérêt commun détermine leurs rapports & forme leurs loix ; & ces loix, que les besoins de la société exigent, ont une plus grande influence que celles du gouvernement. En un mot, chaque société s’astreint à tels devoirs réciproques qui constituent son gouvernement.

Pour concevoir la nature & la quotité de gouvernement propre à l’homme, il est nécessaire de saisir son caractère. La nature l’ayant destiné à la vie sociale, lui a donné ce qui convenoit à sa position. En général, il rend ses besoins plus grands que sa puissance ; il ne peut les satisfaire que par un systême d’affection sociale, & les besoins déterminant les individus, ils se réunissent en société aussi naturellement que la gravitation dirige tous les corps vers un centre.

Mais la nature n’a pas seulement contraint l’homme à vivre en société par la diversité des besoins qu’il ne peut satisfaire que par des secours réciproques ; elle a aussi gravé dans son cœur un systême d’affections sociales, qui, sans être nécessaires à son existence, sont utiles à son bonheur. Il n’est aucun âge, dans la vie, où ce besoin de la société cesse ; il commence avec la vie, & ne finit qu’à la mort.

Si nous examinons, avec attention, la constitution de l’homme, la diversité des besoins & des talens des individus si bien appropriés aux besoins des autres, sa tendance vers la société, & par conséquent à conserver les avantages qui en résultent : on voit aisément que ce qu’on nomme gouvernement est un véritable mensonge.

Le gouvernement n’est nécessaire que dans cer-