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de l’observateur superficiel, une masse d’infortune qui n’a guères d’autre terme qu’une mort accompagnée de l’indigence ou de l’ignominie. Tout y présage le sort qui attend le pauvre, dès son entrée dans la vie ; & jusqu’à ce qu’on ait remédié à l’horrible concours de circonstances qui le poussent au crime, c’est en vain qu’on multiplie les châtimens.

Le gouvernement civil ne consiste pas dans les exécutions. Il consiste à pourvoir à l’instruction du jeune âge & aux besoins de la vieillesse, de manière à préserver, autant qu’il est possible, la première de la débauche & la seconde du désespoir. Au lieu de cela, les ressources d’un pays sont prodigués à des rois, à des cours, à des mercenaires, à des imposteurs, & à des prostituées ; & les pauvres, eux-mêmes, chargés de tout le poids de leur misère, sont forcés d’entretenir le brigandage qui les opprime.

D’où vient que la justice ne sévit guères que contre les pauvres. Ce fait prouve entre autres choses, la misère de leur condition. Elevés sans qu’on leur fasse connoître les principes de la morale, jettés dans le monde sans perspective de fortune, ils sont les jouets du vice & les victimes nécessaires d’une barbarie légale. Les millions, inutilement prodigués aux gouvernemens suffiroient & au-delà pour remédier à ces maux, & pour bonifier la situation de tous les membres d’un état, qui ne sont pas compris dans l’enceinte des cours. C’est ce que j’espère démontrer dans la suite de cet ouvrage.

Il est dans la nature des ames compatissantes de faire cause commune avec les infortunés. En traitant ce sujet, je ne prétends à aucune récompense ; je ne crains rien de ce qui peut m’en arriver. Fort de cet orgueil que la probité donne &