Page:Paine - Théorie et pratique des droits de l homme (1793).djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(71)

Comme ce sont deux choses directement opposées, le défaut de civilisation des gouvernemens européens est préjudiciable au commerce. Tout embarras, toute destruction contribue à diminuer la quantité des matières négociables, & peu importe dans quelle partie du monde cette réduction commence. Pareilles au sens, elles ne sauroient être retranchées d’une partie quelconque, sans l’être en même temps de la masse qui est en circulation, & toutes les autres se ressentent de cette perte. Lorsqu’une nation ne peut plus acheter, la nation qui lui vend se trouveroit enveloppée dans son infortune. Si le gouvernement d’angleterre venoit à bout de détruire le commerce de toutes les nations, il ruineroit effectivement le sien propre.

Il peut se faire qu’une nation fasse chez elle la commission de toutes les autres ; mais elle ne peut pas les remplacer quant au trafic. Elle ne sauroit vendre & acheter sa propre marchandise. La faculté d’acheter doit être placée hors d’elle-même ; ainsi la prospérité d’une nation commerçante a pour règle la prospérité de toutes les autres. Sont-elles pauvres, elle ne peut être riche, & sa position, quelle qu’elle soit, indique l’état du commerce chez les autres peuples.

Il faudroit avoir perdu la raison pour nier que l’on puisse entendre les principes du commerce & concevoir son action universelle, sans connoître le détail de ses opérations : voilà, ce qui m’autorise à discuter ce sujet. Le livre du monde s’exprime autrement que les registres d’une maison de commerce. L’action du commerce doit nécessairement être envisagée comme étant réciproque. Une moitié seulement de ses moyens réside dans la nation qui le fait ; & la destruction de l’autre moitié qui se trouve hors d’elle, entraîne aussi efficacement la destruction du tout, que si l’on eût détruit la