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En considérant ce sujet dans toute son étendue, je porte mes regards sur le commerce. Toutes les fois que l’occasion s’en est présentée dans mes ouvrages, j’ai plaidé en faveur du commerce, parce que j’ai chéri ses effets. C’est un systême pacifique, dont les opérations tendent à fraterniser le genre humain, en faisant que les nations, aussi bien que les individus, se servent réciproquement. Je n’ai jamais prêché de réforme purement spéculative. La mesure la plus efficace, est de perfectionner l’état de l’homme au moyen de son intérêt, & c’est sur ce fondement que je m’appuie.

Si l’on permettoit au commerce d’agir avec toute l’extension dont il est capable, il banniroit absolument le systême de la guerre, & produiroit une révolution dans l’état, encore sauvage, des gouvernemens. La science commerciale est postérieure à ces gouvernemens, & c’est le pas le plus considérable qu’aient fait les hommes vers la civilisation universelle, en se réservant des moyens qui ne découloient pas immédiatement des principes moraux.

Tout ce qui tend à procurer une correspondance mutuelle entre les nations, par un échange de bienfaits, est aussi digne de l’attention de la philosophie que de celle de la politique. Le commerce n’est autre chose que le trafic de deux individus, multiplié sur l’échelle d’un grand nombre d’individus ; & la nature a suivi la même règle tant pour faire correspondre tous les hommes, que pour en mettre deux à portée de trafiquer ensemble. Dans cette vue, elle a distribué les matériaux des manufactures & du commerce, dans les diverses parties de chaque région du monde ; & la guerre ne pouvoit les procurer aussi commodément & pour un aussi bon marché que le commerce, elle a fait de celui-ci le moyen d’extirper l’autre.