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Tous les gouvernemens de l’europe (la france maintenant exceptée) ne sont pas formés sur des principes de civilisation ou fraternité universelle, mais sur leur ruine. Dans les points éloignés où les gouvernemens ont des rapports les uns avec les autres ; dans les rapports que ces gouvernemens ont les uns avec les autres, ils sont, entr’eux, dans le même état qu’on nous a peint la vie sauvage. Ils se mettent également au-dessus des loix humaines & des loix divines ; & ils sont, par rapport aux principes de leur conduite particulière, comme beaucoup d’individus dans l’état de la nature.

Les habitans de chaque pays sous l’influence de la loi, se civilisent facilement les uns les autres. Mais les gouvernemens étant toujours, entr’eux, dans un état sauvage & presque continuellement en guerre, pervertissent l’abondance que produit la vie civilisée, pour porter bien plus loin tous les maux de la vie sauvage. En gréfant ainsi la barbarie du gouvernement, sur la civilisation intérieure d’un pays, celui-là tire de celle-ci & prend spécialement, sur le pauvre, une grande portée des salaires qui devroient lui donner sa subsistance & l’aisance. Abstraction faite de la morale & de la philosophie, c’est une chose bien affligeante que plus d’un quart des travaux de l’espèce humaine soit annuellement consumé par ce système barbare.

Ce qui a servi à perpétuer le mal, c’est l’avantage pécuniaire que tous les gouvernemens de l’europe ont trouvé, à faire durer cet état de barbarie. Il leur fournit les prétextes de maintenir leur autorité & de lever les mêmes revenus, ce dont on n’auroit plus besoin, & ce qu’on ne pourrait plus justifier, si l’on complettoit le cercle de la civilisation. Le gouvernement civil seul, vu le gouvernement qui est fondé sur la loi, ne fournit