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fession de foi en politique, savoir : « qu’il faut lier à jamais la postérité & abdiquer pour elle jusqu’à la fin des tems tous ses droits ; » ce principe est maintenant devenu trop détestable, pour être l’objet d’un débat, & c’est pour cela que je les passe sans en faire mention autrement que pour l’exposer.

On commence à connoître la science du gouvernement ; jusques à présent il n’a été que le simple exercice du pouvoir ; celui-ci a soigneusement empêché les recherches vraies & efficaces du droit des gouvernés ; & il n’a fondé lui-même le sien que sur la possession. Tant que la liberté a eu pour juge son ennemi même, les progrès de ses principes ont dû effectivement être bien foibles.

La constitution d’Amérique & aussi celle de France ont fixé une époque pour leur révision ou désigné le mode par lequel on pourra les améliorer. Il n’est peut-être pas possible d’établir chaque circonstance, où l’on est forcé de concilier les principes avec les opinions & la pratique, de manière que les progrès des événemens, à travers un long espace de temps, ne les dérange jusqu’à un certain point. Et c’est pour cela, qu’afin de prévenir les inconvéniens qui s’accumulent, jusqu’à ce que leur énormité empêche toute réforme, on provoque les révolutions : il est bien préférable de rétablir d’avance les moyens d’y pourvoir à mesure qu’il en est besoin ; les droits de l’homme sont les droits de toutes les générations & aucun n’en peut faire le monopole. On suit naturellement, pour son mérite, ce qui est digne d’être suivi. C’est sa valeur qui le garantit ; & il n’est pas besoin d’y attacher des conditions qui ne serviroient qu’à surcharger. Quand un homme laisse sa propriété à ses héritiers, il n’y attache pas l’obligation qu’ils devront l’accepter. Pourquoi faisons-nous donc autrement quand il s’agit d’une constitution ?