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& de l’indolence d’une foule de parasites qui vivent des revenus publics.

Quand ce système vicieux est établi, il devient le protecteur de tous les abus moins considérables. L’homme qui est intéressé à un bénéfice sur l’état d’un million par an, est le dernier à favoriser l’esprit de réforme, de peur que par la suite il ne vienne à toucher aussi à la source de sa fortune ; il est de son intérêt de défendre tous les petits abus, comme autant d’ouvrages extérieurs qui protègent la citadelle ; & dans cette espèce de fortification politique, toutes les parties ont une telle dépendance qu’on ne doit jamais espérer de les voir s’attaquer les unes les autres[1].

Certes, la monarchie n’eût pas subsisté aussi long-temps, dans ce monde, si elle n’avoit été soutenue par tous les abus qu’elle protège ; c’est la

  1. Parmi les plus nombreux, protégés & engendrés par les gouvernemens, tant anciens que modernes, il n’y en a pas de plus grand que celui de loger & d’entretenir un homme & ses héritiers aux dépens du public.

    L’humanité, sans doute, exige qu’on pourvoie au sort du pauvre. Mais de quel droit, moral ou politique, un gouvernement prend-t-il sur lui de dire, qu’un individu, appellé le duc de Richemont, sera entretenu par le public. Cependant, si la renommée dit vrai, il n’y a pas un mendiant, dans Londres ; qui puisse acheter sa part de charbon, sans payer sa part à la liste civile de m. le duc de Richemont. Le produit de cet impôt ne fût-il que d’un scheling par an, l’iniquité de principes seroit la même. Mais lorsqu’il monte à vingt mille livres sterlings par an, l’énormité est trop choquante, pour qu’on la supporte. Tel est cependant un des effets de la monarchie & de l’aristocratie, que ses abus se perpétueront, sans que le peuple puisse réclamer. En relevant ce fait je ne suis conduit par aucun mouvement particulier. Quoique je regarde comme une lâcheté pour tout individu, de vivre aux dépens du public, le vice ne peut être imputé qu’au gouvernement ; car il est devenu si général que, quoique l’on soit dans le parti du ministère ou dans celui de l’opposition, il n’y a point de différence. On se garantit les uns les autres.