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toujours embarrassés dans leurs propres idées. Obligé de reconnoître qu’il doit exister quelque part une autorité suprême, ils ont attribué cette autorité à ceux qui gouvernent au lieu de la placer dans une constitution formée par le peuple. Lorsque cette autorité réside dans une constitution, elle a la nation pour soutien, & la souveraineté politique n’est point séparée de la souveraineté naturelle. C’est comme individu que les hommes sont soumis aux loix faites par les gouvernemens ; mais la nation exerce, au moyen de sa constitution, un pouvoir auquel la totalité du gouvernement est soumise, & ce pouvoir lui est naturel. Ainsi, l’autorité suprême en dernier ressort, & l’autorité constituante, ne sont qu’un même pouvoir.

Le docteur Johnson n’auroit pas commis une pareille erreur dans un pays où il existe une constitution, & lui-même sert à prouver qu’il n’en existe point en Angleterre. — Mais on peut demander, & c’est une question digne d’être approfondie, pourquoi les anglais sont-ils si généralement persuadés qu’ils ont une constitution, si réellement ils n’en ont point ?

Pour résoudre ce problème, il est nécessaire d’examiner, ce qu’on entend par constitution, sous ces deux aspects généraux ; savoir, lorsqu’elle crée un gouvernement & lui assigne des pouvoirs ; en second lieu, lorsqu’elle règle & circonscrit les pouvoirs qu’elle a délégués.

Si nous remontons à guillaume, le bâtard, nous voyons que le gouvernement de l’Angleterre fut, dans l’origine, une tyrannie fondée sur une invasion & sur la conquête de l’isle. Il est donc manifeste que la nation a cru s’être donné une constitution, parce qu’à différentes époques, elle s’est efforcée de mettre un frein à cette tyrannie, & de la rendre plus supportable.

La grande charte, comme on l’appelloit jadis,