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ministrateur héréditaire est autant absurde, qu’un auteur par droit de succession. Je ne sais pas si homère ou euclide ont eu des fils ; mais je ne crains pas d’avancer que, s’ils eussent laissé leurs ouvrages imparfaits, leurs fils ne les auraient pas achevés.

Nous ne pouvons donner d’évidence plus forte à l’absurdité d’un gouvernement héréditaire, qu’en jettant les yeux sur les descendans des hommes qui se sont rendus fameux ? À peine peut-on citer un seul exemple où la postérité d’un grand homme n’ait pas offert un caractère précisément opposé. On diroit que les facultés intellectuelles sont un fleuve qui, après avoir coulé dans certains canaux, suspend sa course pour en former une nouvelle. Rien n’est donc plus déraisonnable que le systême de l’hérédité, puisqu’il établit deux canaux de puissance, où la sagesse refuse de couler. En propageant cette absurdité, l’homme est toujours en contradiction avec lui-même. Il accepte pour roi, pour principal magistrat, pour législateur, un individu qu’il ne choisiroit pas pour commissaire de police.

Des esprits superficiels croient que les révolutions enfantent le génie & les talens ; mais non. Ces sortes d’événemens ne font que les développer. Il existe dans l’homme une masse de sens dans un état d’inertie, & qu’il emporte avec soi dans le tombeau, sans en avoir fait usage, à moins que les circonstances ne la mettent en action. Or, comme il est de l’avantage de la société que toutes les facultés qui sont en elle soient employées, le gouvernement doit être organisé de manière à développer, au moyen d’une opération régulière & tranquille, toutes les ressources intellectuelles qui ne manquent jamais de se montrer dans les révolutions.

Ce développement ne sauroit avoir lieu dans l’in-