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dans sa première session pour acquérir une autorité illégitime sur les délégués de cette province, doit avertir la masse du peuple de prendre garde à la manière dont il remet son autorité en d’autres mains. On rassembla, pour les députés, un corps d’instruction qui, par sa déraison, eût couvert de honte un écolier ; &, d’après qu’un fort petit nombre de citoyens l’eût approuvé, il fut porté à l’assemblée, & passa comme étant le vœu de toute la colonie, tandis que, si toute la colonie savoit combien de mauvaise volonté l’assemblée a mis dans quelques opérations nécessaires, elle ne balanceroit pas un moment à regarder tous ses membres comme indignes de sa confiance.

La nécessité du moment fait adopter beaucoup de mesures qui dégénèreroient en oppression, si l’on continuoit d’en faire usage quand ce moment est passé. La convenance & la justice sont deux choses très-différentes. Lorsque les calamités de l’Amérique exigeoient une consultation, l’on ne trouva point de méthode plus prompte ou plus avantageuse que de choisir dans cette vue quelques membres de diverses assemblées provinciales, & la sagesse de leurs opinions a sauvé ce continent de sa ruine : mais comme il est plus que probable que nous aurons toujours un Congrès, tous ceux qui aiment le bon ordre, seront obligés d’avouer que le mode d’élection de ses membres, mérite la plus sérieuse considération. Et je demande à ceux qui font leur étude du genre-humain si ce n’est pas cumuler sur les mêmes têtes de trop grands pouvoirs, que de ne pas séparer le titre d’électeurs de celui de représentans. Occupés d’un plan qui doit servir à la postérité, souvenons-nous que la vertu n’est pas héréditaire.

Souvent c’est de nos ennemis que nous apprenons d’excellentes maximes, & souvent leurs erreurs