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sions moins unis. C’est une chose digne de remarque, que plus un pays est peuplé, moins ses armées sont considérables ; elles l’étoient beaucoup plus dans l’antiquité qu’elles ne le sont chez les modernes, & la raison en est frappante : le commerce étant la suite de la population, les hommes s’y livrent avec trop d’ardeur pour s’occuper d’autre chose ; le commerce diminue le patriotisme & la bravoure, & l’histoire nous apprend assez que les plus vaillans exploits ont toujours illustré l’enfance des nations ; En étendant son commerce, l’Angleterre a perdu son énergie. La ville de Londres, malgré son immense population, se soumet, avec la patience des lâches, à des insultes continuelles. Plus les hommes ont à perdre, moins ils sont disposés à risquer. Les riches, en général, sont esclaves de la crainte, & ils cèdent à la puissance des cours avec la duplicité timide d’un espagnol.

La jeunesse des nations, comme celle des individus, est la saison propre à semer les bonnes habitudes. Il seroit difficile, sinon tout-à-fait impossible, dans un demi-siècle, de donner un gouvernement à l’Amérique. La confusion naîtroit de la diversité infinie d’intérêts occasionnée par l’accroissement du commerce & de la population. Les colonies seroient ennemies les unes des autres ; chacune d’elles, assez forte par elle-même, dédaigneroit l’assistance de ses rivales ; & tandis que les orgueilleux & les sots triompheroient de leurs distinctions, les sages gémiroient de ce que l’union n’auroit pas été formée plutôt. Le moment actuel est donc le vrai moment de l’établir. L’intimité que l’on contracte dans l’enfance, l’amitié qui est le fruit du malheur, sont les plus durables, les moins sujettes aux vicissitudes. Notre union présente est marquée à ces heureux caractères. Nous sommes jeunes, & nous avons été opprimés ; mais