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de ce motif pour nous détourner de l’entreprendre. Rien n’est plus faux qu’une pareille supposition ; car si l’Amérique avoit seulement un vingtième des forces navales de l’Angleterre, elle maîtriseroit de beaucoup ses opérations, puisque n’ayant ni prétentions ni domaines éloignés, notre marine toute entière seroit employée sur nos côtes, où il y a deux contre un à parier que nous aurions l’avantage sur ceux qui auroient deux ou trois mille lieues à parcourir soit avant de nous attaquer, soit pour réparer leur monde & leurs vaisseaux ; & bien que l’Angleterre, au moyen de sa flotte, nuisît à notre commerce en Europe, nous gênerions également le sien dans ses isles d’Amérique, qui, voisines du continent, sont absolument à notre merci.

On pourrait imaginer quelque méthode d’entretenir une force navale en tems de paix, si nous ne jugions pas qu’il fût nécessaire d’avoir constamment une marine sur pied ; si l’on accordoit des primes aux négocians, pour les encourager à construire des vaisseaux de vingt, trente, quarante & cinquante canons qu’ils emploieroient à leur service, cinquante ou soixante de ces bâtimens, avec quelques vaisseaux de conserve, toujours en activité, formeroient une marine suffisante, sans nous exposer à l’inconvénient dont on se plaint si fort en Angleterre, de laisser, durant la paix, notre flotte pourrir dans les chantiers. Il est d’une saine politique d’unir les moyens du commerce à ceux de la défense, car lorsque notre force & nos richesses se soutiennent mutuellement, nous n’avons rien à craindre des ennemis du dehors.

Nous avons en abondance presque tout ce qu’il faut pour se défendre ; le chanvre prospère chez nous jusqu’au point de nous être à charge, ainsi nous ne craignons pas de manquer de cordages ; notre fer est supérieur à celui des autres contrées,