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tiendra une marine dans nos ports à cette intention ? Le sens-commun nous dira que la puissance qui a tâché de nous assujétir est la moins propre de toutes à nous défendre ; sous prétexte d’amitié, elle effectueroit la conquête de nos provinces, & après une longue & courageuse résistance, quelques caresses simulées nous réduiroient en esclavage. Or, si nous ne devons pas admettre ses vaisseaux dans nos ports, je demande comment elle nous protégera. Une marine est d’un bien foible usage la distance de deux ou trois mille lieues ; elle ne peut rendre aucun service dans les occasions urgentes ; si donc nous sommes forcés à l’avenir de nous protéger nous-mêmes, pourquoi nous protégerions-nous pour l’avantage d’autrui, pourquoi ne seroit-ce pas pour le nôtre ?

La liste des vaisseaux de guerre de la grande-bretagne est longue & formidable ; mais il n’y en a pas la dixième partie qui soit en état de servir sur-le-champ, plusieurs même n’existent plus que sur le papier ; cependant, pourvu qu’il en reste une planche, leurs noms continuent de paroître pompeusement sur la liste ; ajoutons que, sur le nombre de ceux qui sont en état de servir, il n’y en a pas un cinquième dont le gouvernement puisse disposer comme il veut. Les indes orientales & occidentales, les possessions de la méditerranée, l’afrique & les autres contrées sur lesquelles l’angleterre étend ses prétentions, demandent la plupart de ses vaisseaux. Par un mêlange de préjugé & d’inattention, nous avons pris des idées fausses de la marine anglaise ; nous en avons parlé comme si nous avions dû craindre qu’elle nous attaquât tout-à-la-fois : cette erreur nous a fait supposer que nous devions nous en procurer une aussi considérable, & comme la chose ne pouvoit s’exécuter à l’instant, des torys déguisés qui se cachent parmi nous, se sont servis