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plupart des habitans actuels profiteront de l’interim pour disposer de leurs biens & quitter le continent.

Mais le plus fort de tous les raisonnemens, c’est que l’indépendance, ou en d’autres termes, une forme de gouvernement dont le siège soit en amérique peut seule la maintenir en paix & la préserver des guerres civiles. Je crains aujourd’hui l’issue d’une réconciliation avec l’angleterre, attendu qu’il est plus que probable qu’elle sera suivie de manière ou d’autre par une révolte dont les suites peuvent entraîner infiniment plus de désastres que toute la malice des anglais.

Leur barbarie a déjà ruiné des millions d’américains ! d’autres millions éprouveront vraisemblablement le même sort ! ceux qui n’ont rien souffert ont le cœur autrement fait que nous. Tout ce que les américains possèdent aujourd’hui se borne à la liberté ; ce dont ils jouissoient auparavant ils l’ont sacrifié pour elle, & n’ayant plus rien à perdre, ils dédaignent de se soumettre. Outre cela, la disposition générale des colonies, à l’égard d’une forme de gouvernement exercée par l’angleterre, ressemble aux idées d’un jeune homme qui touche au moment d’être affranchi de son tuteur ; elles ne s’en mettent guère en peine. Or, tout gouvernement qui n’a pas la force de maintenir la paix, n’en mérite pas le nom, & dans ce cas, nos impôts sont sans objet : car, je demande, en supposant qu’un tumulte s’élevât le lendemain de la réconciliation, ce que l’angleterre feroit pour le réprimer, elle dont l’autorité ne se manifesteroit que par écrit. J’ai oui dire à quelques personnes, dont la plupart, je crois, parloient sans réflexion, qu’elles redoutoient l’indépendance des colonies, dans l’appréhension qu’elle n’enfantât des guerres civiles ; mais la guerre civile est cent fois plus à craindre d’une liaison mal assortie que de l’indépen-