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& nous met en mésintelligence avec des nations qui, sans cela, rechercheroient notre amitié, & contre lesquelles nous n’avons aucun sujet de ressentiment ou de plainte. L’Europe étant le siége de notre commerce, nous ne devons former de liaison particulière avec aucun de ses peuples. Le véritable intérêt de l’Amérique est de n’entrer dans aucune des contestations européennes ; & jamais elle n’en pourra venir à bout, tant que sa dépendance à l’égard de la Grande-Bretagne, la fera intervenir dans tous les mouvemens de la politique anglaise.

L’Europe compte trop de royaumes pour être long-temps en paix, & toutes les fois que la guerre a lieu entre la Grande-Bretagne & quelques autres puissances, c’en est fait du commerce de l’Amérique, à raison de ses liaisons avec l’Angleterre. Il peut arriver que la guerre prochaine n’ait pas la même issue que la dernière ; & dans ce cas, les personnes qui plaident aujourd’hui en faveur de notre réconciliation, changeront de langage, & desireront que nous soyons séparés de la cause de la Grande-Bretagne, parce qu’alors il sera plus avantageux d’être neutre que d’avoir des escortes. La justice & la nature invoquent cette scission. Le sang des victimes de la guerre, la voix de la nature en pleurs crient qu’il est temps de nous séparer. Il n’y a pas jusqu’à la distance que le ciel a mise entre l’Angleterre & l’Amérique, qui ne démontre que jamais il n’eut dessein de soumettre l’une de ces régions à l’autre. Le temps où ce continent fut découvert ajoute au poids de cet argument, & la manière dont il fut peuplé en augmente la force. La découverte de l’Amérique précéda la réforme, comme si la bonté de l’être suprême avoit eu dessein d’ouvrir un sanctuaire aux