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Plusieurs sages, dans leurs opinions particulières, ont toujours traité avec mépris l’hérédité de la couronne. Cependant c’est un de ces maux qu’il n’est pas aisé de faire disparoitre, lorsqu’il est une fois établi. Un grand nombre se soumet par crainte, d’autre par superstition, & les plus puissans partagent avec le roi le pillage du reste.

En parlant ainsi, je suppose à la race actuelle des maîtres du monde une origine honorable, tandis qu’il est plus que probable que, s’il nous étoit donné de lever le voile ténébreux de l’antiquité & de les examiner à leur source, nous trouverions que le premier d’entr’eux ne valoit gueres mieux que le principal brigand d’une troupe effrénée, ont les mœurs sauvages ou la prééminence en fait de subtilité lui obtinrent le titre de chef parmi les voleurs ses camarades, & qui, en étendant son pouvoir & ses déprédations, força les hommes tranquilles & sans défense à acheter leur sûreté par des contributions fréquentes. Cependant ceux qui l’avoient élu ne pouvoient avoir l’idée de déférer à ses descendans un droit héréditaire, parce que cette abnégation perpétuelle d’eux-mêmes étoit incompatible avec les principes de liberté & d’indépendance dont ils faisoient profession. Par conséquent, dans les premiers âges où il s’éleva des monarchies, l’hérédité de la couronne ne put avoir lieu comme un droit légitime, mais seulement comme l’effet du hasard ou de la reconnoissance ; & comme les registres publics étoient alors extrêmement rares, où qu’il n’y en avoit point du tout, & que l’histoire ne subsistant que dans la tradition, étoit souillée de fables, rien ne fut plus aisé, après quelques générations, que d’imaginer un conte mêlé de superstition, accommodé aux circonstances, à l’exemple de Mahomet ; pour inculquer dans l’esprit du vulgaire la notion de ce prétendu droit. Peut-être