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de ses semblables, & pour former une espèce nouvelle ? Ce problême est digne de notre attention ; il ne l’est pas moins d’examiner si ces êtres privilégiés contribuent à l’infortune ou à la félicité du genre humain.

Dans les premiers âges du monde, suivant la chronologie de l’écriture, il n’y avoit point de rois. Il s’ensuivoit naturellement qu’il n’y avoit point de guerres. C’est l’orgueil des rois qui sème ici bas la discorde. La hollande, exempte de rois, a joui de plus de tranquillité dans ce siècle, qu’aucun des gouvernemens monarchiques de l’europe[1]. L’histoire de l’antiquité dépose en faveur de cette observation ; car la vie tranquille & champêtre des premiers patriarches offre une image de bonheur, qui s’évanouit lorsque nous passons aux annales des rois juifs.

Les payens furent les premiers qui introduisirent dans le monde le gouvernement monarchique, & les enfans d’israël le copièrent en ceci. Ce fut l’imagination la plus heureuse que l’ennemi du genre humain pût concevoir pour seconder les progrès de l’idolâtrie. Les payens rendoient les honneurs divins à leurs rois expirés, & l’univers chrétien a renchéri sur cette belle idée, en faisant la même chose pour ses rois vivans. Quelle impiété révoltante que d’appliquer le titre de sacrée majesté à un vermisseau qui rampe dans la poussière au milieu de sa splendeur.

Comme il est impossible de justifier, d’après le droit naturel, dont l’égalité est la base, l’élévation d’un homme si fort au-dessus des autres

  1. Cette tranquillité a été troublée depuis peu ; mais cela même confirme l’idée de m. payne. Les troubles intérieurs de la hollande sont venus par la faute des rois, & de ce qu’on avoit entrepris de lui en donner un. Note du trad.