Page:Paine - Théorie et pratique des droits de l homme (1793).djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(165)



LE SENS COMMUN.


De l’origine & de l’objet du Gouvernement, considéré en général. — Remarques sur la Constitution Anglaise.


Quelques écrivains ont tellement confondu le gouvernement avec la société, qu’ils n’ont laissé entre ces deux objets qu’une nuance très-foible, ou tout-à-fait nulle, tandis qu’ils diffèrent beaucoup, non-seulement par leur nature, mais encore par leur origine. La société est le résultat de nos besoins ; le gouvernement est celui de notre perversité. La première effectue notre bonheur d’une manière positive, en réunissant nos affections ; le second y contribue négativement, parce qu’il réprime nos vices. L’une encourage les communications mutuelles ; l’autre établit des distinctions. La première protège ; le second punit.

L’état social est un bien dans toutes les hypothèses. Le gouvernement, dans sa perfection même, n’est qu’un mal nécessaire ; dans son imperfection, c’est un mal insupportable ; car, lorsque, sous un gouvernement quelconque, nous souffrons, ou nous sommes exposés à souffrir les mêmes calamités, que nous aurions lieu d’attendre dans un pays où il n’y a point de gouvernement, nous sentons notre misère s’accroître, en songeant que nous-mêmes fournissons les moyens dont on se sert contre nous. Le gouvernement, comme la parure, indique la perte de l’innocence ; les palais des rois sont bâtis sur les ruines du jardin des délices. En effet, si les mouvemens de la conscience étoient