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l’immortelle.


Et ce monde immuable a l’âme d’autrefois ;
Il est comme il était, misérable et superbe,
Au jour où tu chantas pour la première fois,
Quand la chair se fit âme et l’âme se fit verbe.

Il ouvre encor sur lui des yeux de nouveau-né,
Et pour asseoir son rêve il cherche encor sa base ;
Hélas ! il aime encore et n’est point pardonné,
Et le mal germe encore au fond de son extase.

Il est aussi perplexe, aussi seul, aussi nu,
Aussi désespéré comme aussi ravi d’être ;
Il veut toujours savoir ce qu’il ne peut connaître
Et regrette toujours ce qu’il n’a pas connu.

Et c’est aussi pourquoi tu dois être immortelle
Autant que la douleur, autant que le plaisir,
Toi qui poursuis toujours sans les jamais saisir
Les sons doux comme lui, les mots profonds comme elle ;