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l’immortelle.


Mais, lorsque, s’éveillant de son autre sommeil,
Il vit, plus belle encor que l’aurore première,
Ève nue et debout dans la grande lumière
Comme un astre vivant adorable et vermeil,

Il étendit les bras vers sa maîtresse blonde,
Et, jusqu’à son désir inclinant sa beauté,
Sachant bien que l’amour lui coûterait le monde,
Du remords éternel il fit la volupté ;

Et dans le doux transport dont l’âme était saisie,
Et dans le dur sanglot qui s’y venait briser,
Tu naquis à ton tour, ô jeune poésie,
De la première larme et du premier baiser !…

Non, tu ne mourras pas, langue à jamais sacrée,
Car l’avenir et toi, dans le même moment,
Vous êtes nés tous deux du même embrassement,
Et ce monde est vivant pour qui tu fus créée.