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décembre.

Mon passé sera notre livre ;
Nous y regarderons ce que l’on fait là-bas,
Bien loin, dans ces pays où les gens n’aiment pas,
Et comme on vit avant de vivre.

Vois-tu, l’âme en naissant est un jardin bien beau,
Mais d’abord les devoirs y tracent au cordeau
De larges routes dans la mousse ;
Plus tard les passions, les haines, les douleurs
Saccagent les massifs et piétinent les fleurs…
Ne crains rien, va, — cela repousse.

Et par bonheur, sans quoi ce serait trop amer,
Les cœurs vont à l’amour comme l’onde à la mer,
Mais le cours n’en est pas le même :
L’un suit nonchalamment ses méandres fleuris,
L’autre, comme un torrent qui brise… Tu souris,
Tu ne me comprends pas, — je t’aime !

Que nous fait tout cela ? Pourquoi nous souvenir ?
À quoi bon le passé quand on a l’avenir ?