Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

goutte d’eau qui fait déborder le vase, — il a renoncé à ce qui avait, non seulement valu à lui-même la gloire, chose méprisable à ses yeux, mais aussi contribué puissamment à élever la littérature de sa patrie jusqu’aux premiers rangs, et même à attirer vers cette patrie l’intérêt et la sympathie.

Il s’est désormais voué tout entier au fervent apostolat pour lequel il s’estime élu. Les périodiques et les librairies ont été et sont inondés des productions de toutes dimensions où il développe sous toutes les formes et sur tous les modes ses idées sur la vie et la mort, sur l’église, la science et le libre arbitre, sur l’histoire, le travail et le bonheur.

L’essence de sa doctrine est cependant condensée dans En quoi j’ai Foi, et dans le Commentaire sur l’Évangile. Dans Confession, il raconte comment la lumière l’a peu à peu conquis. Dans Que faut-il donc faire ? il expose les voies et moyens par lesquels chacun de nous lui semble capable de réaliser la paix de l’âme dans une société parfaite. Enfin dans Quelle est ma Vie ? il s’efforce de prouver par la production de son propre exemple que ses théories sont susceptibles d’une application immédiate et entière.

On le sait de reste, le proverbe qui veut que nul ne soit prophète en son pays n’est pas vrai sur les bords de la Volga. L’histoire du Raskol suffit à le démontrer. Aussi les adhérents du communisme mystique de Tolstoï sont-ils là-bas plus nombreux de jour en jour. Toutes les personnes qui lisent — et en Russie comme aux États-Unis quiconque a reçu quelque instruction lit — méditent à perte de… conscience sur les moindres feuillets qui leur apportent la parole du Sage de Iasnaïa-Poliana et en discutent passionnément le contenu même le plus vague. Un certain nombre d’entre elles vont jusqu’à modeler leur existence sur celle du Maître — non sans, naturellement, renchérir à l’envi sur les préceptes de celui-ci et partant les fausser, ce dont il se plaint dans son œuvre la plus récente : Trois Paraboles.

Le public occidental n’a encore éprouvé vis-à-vis de la nouvelle doctrine qu’un étonnement et une curiosité tournant rarement à l’inquiétude. En Italie pourtant, M. Fazzari a pu trouver les éléments d’une petite colonie