interrompant parfois ma lecture de regards furtifs jetés vers le chemin par lequel je croyais qu’il viendrait. La chaleur était étouffante. Katia ronflait, et Sonia s’amusait sur l’herbe. Le soleil descendait déjà à l’horizon, et Serge Mikhaïlitch n’apparaissait pas. Tout à coup, je le vis s’approcher de nous du côté de l’allée où je ne l’attendais pas. Il nous aborda avec un visage riant, joyeux, et le chapeau à la main. Voyant que Katia dormait, il mordit ses lèvres et marcha sur la pointe des pieds, et je voyais qu’il était dans cet état de gaieté sans cause que nous appelons une extase farouche’’; il avait l’air d’un écolier échappé.
« Salut, belle violette, dit-il à voix basse, en portant militairement sa main au front. Moi, j’ai toujours treize ans, j’ai envie de jouer aux chevaux et de grimper sur les arbres.
— Dans une extase farouche ? fis-je alors, en regardant ses yeux riants et sentant que sa gaieté commençait à s’emparer de moi aussi.
« Oui, reprit-il avec un bon sourire ; mais pourquoi chatouiller ainsi le nez de Katerina Karlovna ? »
Et il éclata de rire pour tout de bon.
Je n’avais pas vu, en le regardant, qu’en remuant machinalement la branche j’enlevais le fichu de Katia et j’abattais en même temps les feuilles sur son nez.
« Elle prétendra n’avoir pas dormi du tout », dis-je, à voix basse sous prétexte de ne pas éveiller Katia, mais en réalité parce qu’il m’était agréable de lui parler en chuchotant. Dès qu’il aperçut les cerises, il s’en empara, s’en alla sur l’herbe vers Sonia et se mit à la taquiner à propos de ses poupées. Elle se fâcha d’abord, mais bientôt ils redevinrent les meilleurs