portée, et que ceux qui l’effleurent lui causent plus de mal que de bien.
« Les forces de terre et de mer sont de jour en jour plus importantes, mieux disciplinées et mieux outillées ; il y aura plus de veuves et d’orphelins la prochaine fois que l’on se battra.
« La propriété s’accroît peu à peu ; — le nombre des propriétaires diminue proportionnellement.
« Les villes s’agrandissent de plus en plus ; — il y a moins de travailleurs dans les campagnes.
« Les voies ferrées vont se multipliant ; — les forêts vont se réduisant[1].
« Les salaires sont plus élevés que jadis ; — le coût de la vie aussi.
« Les routes sont de mieux en mieux entretenues, les rues de mieux en mieux éclairées, la sécurité de mieux en mieux assurée ; — les impôts sont de plus en plus lourds.
« Il y a maintenant des journaux, des tramways, le télégraphe, le téléphone, c’est à peine si l’on bat encore les femmes et les enfants, et déjà quelques dames ne font presque plus de fautes d’orthographe ; — nous ne sommes pas meilleurs que nos ancêtres. »
De ces constatations banales on déduit généralement qu’il faut travailler à ce qu’un nombre d’humains de plus en plus considérable soit mis à même de participer aux bénéfices de la civilisation.
De quel droit, s’écrie Tolstoï, si un moujik estime que, tout ignorant qu’il est à notre sens, il en sait quand même assez pour contenter ses besoins, lui imposons-nous d’apprendre quoi que ce soit !
Du reste l’éducation est la grande pervertisseuse. Quiconque instruit son prochain ne cherche en réalité qu’à assouvir sur lui l’une des formes du despotisme. Enseigner un enfant, c’est vouloir l’asservir à nos idées, le façonner à notre image. Et l’enfant, de son côté, pour quels motifs apprend-il ? Pour éviter d’être puni, ou pour recevoir des récompenses, ou pour surpasser ses condisciples, ou pour conquérir ce que l’on appelle une situation. La
- ↑ Dans les immenses plaines russes les locomotives sont chauffées au bois.