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Vassili Andréitch se traîna jusqu’à la voiture, et là, s’appuyant des deux mains à la capote, il demeura un moment à reprendre haleine et se calmer. Nikita n’était plus derrière la capote. Il y avait quelque chose de couché à l’intérieur de celle-ci, ce ne pouvait être que lui.

Vassili Andréitch n’avait plus peur de rien à présent, sinon de la réapparition des émotions éprouvées en face de la touffe d’armoise et surtout lorsqu’il était resté seul dans le tas de neige. Pour écarter de soi ces atroces tortures, il s’agissait de se remuer coûte que coûte et de se préoccuper de quoi que ce soit d’autre que sa propre sécurité.

Le dos au vent, il secoua la neige de son bonnet, de ses gants, de sa pelisse, de ses bottes, et, se réenveloppant soigneusement, serra sa ceinture ainsi qu’il en avait l’habitude quand il se mettait à une besogne quelconque.

La chose la plus urgente, c’était de dégager le pied du cheval, et il s’en acquitta sans tarder. Puis il rattacha Moukhorty et tourna autour de lui pour remettre en ordre son harnachement. Comme il achevait, il vit remuer Nikita. Le moujik, dont la tête était couverte de neige, se souleva et s’assit en y employant visiblement tous ses efforts. Il faisait devant son nez des gestes étranges, on eût dit qu’il voulait chasser des mouches, et il marmottait quelque chose, un appel sans doute.

Vassili Andréitch, sans prendre le temps de replacer la toile sur l’échine du cheval, s’approcha.