leur est permis est le plus vaste, et que les formes et les couleurs qu’elles affectent sont les plus variées, les plus complexes et les plus nuancées.
Qu’il scrute une âme de cet ordre ou celle d’un simple, c’est toujours avec une pénétration dont l’acuité ne recule pas même devant la crainte que, de loin en loin, le lecteur n’éprouve soudain que c’est en lui-même que l’on vient de plonger le scalpel.
Dans le langage que tiennent les personnages, dans leurs attitudes et dans lears gestes, dans leurs actions et dans leur extérieur, dans les décors artificiels ou naturels qui les conditionnent plus ou moins, c’est la même scrupuleuse vérité. La fixation en est généralement achevée par la mise en lumière d’un détail, qui devient le motif conducteur, parfois cruel, du personnage, ou dégage du décor une impression ineffaçable.
Ce sont de telles qualités qui justifient une des définitions que l’on a données de Tolstoï, à savoir, qu’il y a dans cette âme de bouddhiste hindou l’esprit d’un chimiste anglais.
Ce sont elles aussi qui ont maintes fois valu à leur possesseur d’être classé parmi les féaux du réalisme.
Si l’on désigne par ce mot la recherche constante du naturel, il est incontestable que Tolstoï est un réaliste au premier chef, et même qu’il a en cela poussé la manière de l’école jusqu’à la perfection. Dès qu’il a eu pris la plume, il a délibérément réagi contre le romantisme, et la protestation était d’autant plus éclatante, que le sujet choisi, le Caucase, venait précisément d’être comme le trépied sur lequel avaient vaticiné Pouchkine et surtout Lermontov. Bien plus, son désir de traduire ses sensations ou celles de ses personnages avec le plus d’exactitude et en même temps le plus de simplicité possible est si vif, que — pareil en cela aux frères de Goncourt — il lui sacrifie tout souci de style. Subtilités de rhétorique, grandiloquence, culte de la période bien conduite et bien équilibrée, il méprise tout cela. On peut même regretter qu’il se soit laissé aller dans ce sens à multiplier les redondances inutiles, les hardiesses inopportunes, les négligences injustifiées.
Mais des écrivains récents nous ont aussi habitués à