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Mais la civilisation ne sombra pas sans de colossales et d’héroïques résistances. Du bouleversement social, surgirent des ligues patriotiques, des groupements de citoyens intègres, des comités improvisés, des individus, princes ou édiles, qui s’efforcèrent de maintenir l’ordre sur terre, et d’écarter toute menace du ciel. Mais ce double effort leur fut fatal et, au moment où l’épuisement des ressources mécaniques de la civilisation libère les cieux de toute

trace d’aéronats, l’Anarchie, la Famine et la Peste triomphent sur la terre.

Les grandes nations et les empires ne sont plus que des noms sur les lèvres des hommes. Partout, des ruines, des morts sans sépulture, des survivants amaigris, blêmes, et dans une mortelle apathie. Des troupes de voleurs, des comités de vigilance, des bandes de guérillas exercent le pouvoir sur telle partie de territoire ; d’étranges fédérations et associations se forment et se dissolvent ; des fanatismes religieux, que suscite le désespoir, étincellent dans les yeux fiévreux des affamés.

C’est une dissolution universelle. Comme une vessie qui éclate, le bel ordre et le bien-être se sont évanouis de ce monde. En cinq courtes années, la terre entière et toute la vie humaine ont subi un changement rétrogressif aussi profond que celui qui sépare la période des Antonins et l’Europe du IXe siècle...