Du plomb, du vif-argent, un peu de pierre grise,
Du verre pilé pris à des vitraux d’église,
L’œil d’un coq et d’un lynx : du buis de bénitier.
Et toi ! roi ténébreux ! tu veilles ! Les cabales
À nos vœux ne font pas défaut.
Viens, viens bénir les balles ;
Que la tienne surtout soit bien comme il la faut.
(Le mélange dans la cuillère commence à bouillir en bruissant et donne une flamme blanchâtre. — Un nuage passe sur le disque de la lune. — Le théâtre n’est éclairé que par le brasier ; les yeux du hibou et le bois étincelant de l’arbre pourri.)
Une !
Une !
(À ce moment, les oiseaux de la forêt descendent et se placent autour du cercle, en sautillant et baissant les ailes.)
Deux !
(Tout à coup un sanglier noir sort du bois en grognant et court comme effaré.)
Deux ?
Trois !
Trois !
(Une tempête s’élève et mugit. On voit les pointes des arbres se rompre et jeter des étincelles.)
Quatre !
Quatre !
(On entend des coups de fouet et un bruit de chevaux qui galopent. Quatre roues en feu sillonnent le théâtre, sans qu’on puisse apercevoir la forme du char, à cause de la vitesse.)
Cinq !
Cinq !
(Aboiements et hennissements dans les airs. — On voit passer dans les nuages des fantômes de chasseurs à pied et à cheval, des cerfs et limiers.)
Par monts, par vaux, dans les ravines
Au fond des bois et dans les airs,
Avec les vents et les éclairs,
Parmi les morts et les ruines,
Chantons, amis, comme aux enfers,
Jowau ! Jowau ! etc.
Six !… Malheur !
Six !… Malheur !
(Tout le ciel est enveloppé d’une nuit profonde. Les nuages, qui, auparavant se croisaient, se réunissent et crèvent accompagnés d’éclairs et de tonnerres épouvantables. Bruissement de pluie très-fort. Flammes bleues sortant de terre. Feux follets errants sur les montagnes. Les arbres sont déracinés avec un fracas horrible. La cascade écume et bouillonne. Des quartiers de rochers roulent en bas. On entend de tous côtés le bruit de l’orage. La terre parait s’ébranler. Gaspard est effrayé.)
Samiel, au secours !
Sept, Samiel !
Sept, Samiel !
sort du cercle tenant une branche d’arbre et s’écrie :
Samiel !
Me voici !
Ciel ! !
(Il fait le signe de la croix et tombe à terre. — L’horloge sonne une heure. Aussitôt tout devient tranquille. — Samiel a disparu. Gaspard est prosterné le front contre terre. Max se relève dans des convulsions. — Le rideau tombe.)
ACTE TROISIÈME
Scène Première
avec quelques rubans verts ; elle est à genoux,
puis se lève et s’approche.
En vain au ciel s’étend un voile,
Le roi du jour y brille encor ;
Un Dieu sublime s’y dévoile.
Guidant le monde en son essor.
L’auteur puissant de la nature
Veille sur elle avec amour ;
Son regard, que ma voix conjure,
Sur moi va luire dans ce jour.
En lui mon cœur tendre et fidèle
S’est confié dès son matin ;
Et si la mort bientôt m’appelle,
Je me soumets à mon destin ;
L’auteur puissant de la nature
Ouvre sur elle un œil d’amour ;
Son regard, que ma voix conjure,
Sur moi va luire dans ce jour.
Scène II
As-tu bien reposé ? Mais que vois-je ! des larmes.