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FREYSCHÜTZ

La septième pour toi.
Meure, Agathe si chère !
Que sa mort désespère
Max et son père !

samiel, parlé.

Elle ne m’appartient pas encore.

gaspard

Elle ne m’appartient pas encore.Réponds !
Voudrais-tu donc mieux !

samiel, parlé.

Voudrais-tu donc mieux ! Nous verrons !

gaspard

Eh bien ! j’attends
Un délai de trois ans ;
J’aurai pour toi d’affreux présents.

samiel, parlé.

Aux portes de l’enfer, demain,
Max ou toi !…

(Samiel disparaît au milieu de coups de tonnerre répétés par l’écho. — Gaspard se relève lentement comme épuisé et s’essuie le front. — La tête de mort et le couteau de chasse ont disparu. On voit à la place un petit brasier ardent. À côté quelques fagots.)

gaspard, regardant autour de lui.

Max ou toi !…Tout va bien !

(Il boit.)

Mais où donc est ce Max ? le drôle
Manquerait-il à sa parole ?
À mon aide, Samiel !

(Il erre çà et là dans le cercle et paraît très-inquiet. — Le charbon menace de s’éteindre. — Il s’agenouille, met du bois au feu et souffle. — Les oiseaux agitent leurs ailes. — Le feu fume et pétille.)


GASPARD, MAX.

Max paraît au sommet d’un rocher très-élevé de l’autre côté de la cascade. Il se penche pour regarder dans l’abîme.)

max

Quel abîme horrible et sombre !
Ô terreur !
Mon froid regard se perd dans l’ombre
Avec horreur !
Sur moi s’amasse la tempête.
La lune semble se voiler.
Des spectres planent sur ma tête…
Ces rocs sont animés… ces rocs vont parler ?…


RÉCITATIF.


(Éloignant les chauves-souris qui s’approchent.)

Oush ! Oush ! j’entends des cris d’oiseaux funèbres,
Et du sein des ténèbres
Un bras géant
Sur moi s’étend.

(Il descend quelques pas. — Gaspard lève les yeux et aperçoit Max.)
max

Non ! plus de lâche effroi,
Pour moi
Il n’est pas d’épouvante.

(Il descend quelques pas.)
gaspard, après avoir soufflé le feu avec l’aile de l’aigle.

Mon sursis est gagné, merci, Samiel, merci !

(Il fait signe à Max en agitant l’aile de l’aigle.)

Arrive donc, camarade, l’attente
Me paraît longue ici,
Est-il bien de tarder ainsi ?

max, la main sur le front et regardant l’aile de l’aigle.

Cet aigle immense
Me doit la mort !
L’enfer commence,
Cédons au sort !
Malheur à moi !

(Il descend encore quelques pas et s’arrête.)

gaspard, parlé.

Malheur à moi ! Descends donc, l’heure avance.

max

Non ! je n’ose pas.

gaspard

Non ! je n’ose pas.Poltron !

max

Non ! je n’ose pas. Poltron ! Qui ? moi ? vois-tu, là-bas ?

(Sur un rocher éclairé par la lune, on voit un spectre blanc étendant les mains.)

Spectre affreux ! c’est l’ombre de ma mère !
Dans son froid cercueil
Comme au jour de deuil,
Sa voix funéraire
Me dit : Fuie,
Mon fils.

gaspard, à part.

À mon aide, Samiel !

(À Max.)

À mon aide, Samiel ! Sottises dont je ris !

(Il rit.)

À mon aide, Samiel ! Sottises dont je ris ! Ah ! ah ! ah !
Allons, viens donc, et loin de toi la crainte
Dont ton âme est atteinte !

(Le premier spectre a disparu. — On voit l’ombre d’Agathe éperdue, les cheveux épars, singulièrement parée de feuillages et de branches de chêne. Elle ressemble à une folle et paraît vouloir se précipiter dans le torrent.)

max

Agathe s’élance au torrent,
Courons ! malheur trop grand !

(L’ombre d’Agathe se jette dans la cascade. — Il descend tout à fait. — La lune commence à s’obscurcir.)

max, entrant dans le cercle.

Me voici, qu’ai-je à faire ?

gaspard, lui jetant sa gourde.

Bois ! l’air des nuits est froid… et puis à notre affaire !
Tu n’as pas peur ?

max

Tu n’as pas peur ? Non ! non !

(À part.)

Que va-t-il advenir de ceci !

gaspard

Que va-t-il advenir de ceci ! Compagnon,
Veux-tu fondre toi-même ?

max

Veux-tu fondre toi-même ? Au pacte c’est contraire ?

gaspard

Regarde pour apprendre à ton tour le métier.

(Gaspard prend successivement dans sa gibecière les ingrédients qu’il nomme et les met dans la cuillère à plomb.)