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FREYSCHÜTZ

Ciel clément, je te rends grâce,
Ta bonté comble mes vœux.
Ô transport, délire extrême !
Tout mon être vole à toi.
Pour mon cœur quel doux émoi !
Près de celui que j’aime
L’espoir a banni l’effroi.
Ah ! quel bonheur suprême !
C’est le ciel ouvert pour moi !



Scène III

AGATHE, MAX, entrant distrait et agité. Aussitôt après lui,
ANNETTE, en déshabillé de nuit.
RÉCITATIF
agathe

Te voilà donc enfin ?

max

Te voilà donc enfin ? Ô mon Agathe !

(Ils s’embrassent.)
agathe, regardant avec étonnement les plumes
qui sont au chapeau de Max ; à part.

Ces plumes… qu’est-cela ? j’avais cru voir des fleurs !…

max, posant son fusil.

Tu m’attendis bien tard ?

agathe

Tu m’attendis bien tard ? Je te vois, plus de pleurs !…
Reste avec nous, je crains qu’un orage n’éclate.

(Il jette son chapeau sur la table de manière que le plumet éteint la lampe. — La campagne que l’on aperçoit par la fenêtre s’assombrit.)
annette

Ah ! mon cousin ! qu’as-tu fait ?

max

Ah ! mon cousin ! qu’as-tu fait ? Maladroit !

agathe

Tu parais mécontent ?

max

Tu parais mécontent ? Mécontent ? au contraire.

agathe

As-tu gagné ?

max

As-tu gagné ? Sans doute.

agathe

As-tu gagné ? Sans doute.Est-il vrai ?

max

As-tu gagné ? Sans doute. Est-il vrai ? J’ai le droit,
Sans être téméraire,
D’espérer beaucoup pour demain !

agathe

Mon bonheur était dans ta main.
Tu fus heureux enfin !

max

Certes ! mais non pas à la cible ?

(Il lui montre les plumes de son chapeau.)

Vois ce que mon bras invincible
Hors de portée en l’air, frappa d’un plomb certain !

(À Agathe.)

Mais qu’as-tu donc ? du sang ?…

agathe

Mais qu’as-tu donc ? du sang ?…Ce portrait ma blessée.

(Max paraît contrarié.)

Quel accueil pour ta fiancée !

max

Oh ! dis-moi, ce portrait…

agathe

Oh ! dis-moi, ce portrait…Était mal suspendu.

annette

Aussi pourquoi donc à sept heures
Te mettre à ton balcon ?

max

Te mettre à ton balcon ? À sept heures, dis-tu ?

annette

Elle guette toujours, lorsqu’au loin tu demeures.

max

C’est l’heure où cet oiseau par moi fut abattu.

agathe

Tu parles seul, tu parais triste ?
Te plaindrais-tu de moi ?

max

Te plaindrais-tu de moi ? Quand j’apporte joyeux
Un gage de succès, il offense tes yeux !…
Est-ce en cela qu’un tendre amour consiste ?

agathe

Ah ! ne sois pas injuste, ami… Ces grands oiseaux
Sont d’un fatal présage.

annette

Sont d’un fatal présage.Ils sont nobles et beaux.

agathe, à Max.

Pourquoi rêver ainsi ? Sais-tu combien je t’aime ?
Ô Max ! sans toi le plus beau sort
Pour mon fidèle cœur ne vaudrait pas la mort

max

Il faut partir à l’instant même.

agathe

Eh quoi ?

max

Eh quoi ? Je fus heureux une seconde fois.

agathe

Vraiment ?

max

Vraiment ? Le plus beau des exploits
Un vieux cerf seize cors !

agathe

Un vieux cerf seize cors ! Se peut-il ?

max

Un vieux cerf seize cors ! Se peut-il ? Pour le prendre
Les paysans au fond des bois
Cette nuit pourraient bien se rendre.
Je ne veux pas manquer le prix d’un si beau coup.

agathe

Où donc l’as-tu laissé ?

max

Où donc l’as-tu laissé ? Dans la Gorge du Loup.

agathe et annette, effrayées.

Dans la Gorge du Loup !…

TRIO

Non ! non ! de grâce !
Toi dans ce lieu d’horreur ?

annette

Le chasseur noir souvent y passe,
Et qui l’entend fuit de terreur.