Monsieur le Grand-Veneur, on use de son droit ;
Nous rions aux dépens d’un tireur maladroit.
Se pourrait-il ?
Le paysan l’emporte,
Ma foi ! sur le chasseur.
Toujours manquer ainsi !
Hélas !
- Merci, Samiel, merci !
Pour viser de la sorte,
Va, le diable s’en mêle.
Ah ! que dis-tu !
L’ami,
Écoute : au carrefour de la forêt antique,
Vendredi prochain, vers le soir,
Avec un fer sanglant, trace un cercle mystique,
En répétant trois fois le nom du Chasseur noir.
Au conseil de Gaspard garde-toi de te rendre !
Dieu nous préserve ici d’un suppôt de Satan !
Mauvais sujet, va-t’en !
Si je croyais sur toi ce que je viens d’apprendre…
Pas un mot.
Max, tu dois justifier pourtant
Le bienfait éclatant
Du prince qui donne à mon gendre
Ma place héréditaire et qu’un fils seul peut prendre.
Au tir royal sois donc vainqueur demain,
Ou sinon de ma fille un autre aura la main.
Demain, le coup d’épreuve.
De cet usage-là ?
Maître, contez-nous donc cela.
Volontiers ! — Mon aïeul, dont chacun, j’imagine,
A vu le vieux portrait dans ma maison des bois,
Était veneur du prince. Un jour, allant en chasse.
On vit passer, lié sur un cerf aux abois,
Un braconnier puni d’avoir enfreint les lois.
Ô ciel !
De garde héréditaire à qui délivrera
Le malheureux ; mon aïeul met en joue :
Le cerf tombe… Hourra ?
Le braconnier vivra !
Ô bonheur !
Obtint l’emploi promis,
Et qui doit à mon gendre être après moi transmis.
Cette prouesse en tous lieux fut vantée.
Des envieux parlaient d’une balle enchantée…
À mon aide, Samiel !…
Un piége, m’a-t-on dit ?
Ma grand’mère m’en a souvent parlé de même :
Six de ces balles-là portent, mais la septième
Appartient au Démon,
Qui la dirige à son gré.
Bon !
Le joli conte !…
À ce jour-là remonte
Un tel usage.
Or çà, va voir à la maison
Si les batteurs sont prêts… Et quant au piége
Du diable, c’est l’amour qui fit le sortilége ;
Mais tu triompheras demain aux yeux de tous ;
Allons, courage ! et sois exact au rendez-vous.
Ah ! quel nuage
A voilé l’horizon lointain !
Joie ou dommage,
Dans ton arme est ton destin.
C’est le présage
D’un malheur certain !
Ne crains nul présage,
Joie ou dommage,
Dans ton arme est ton destin.
Le courage
D’un grand cœur
Le rend vainqueur,
Et du sort contraire
Un bras téméraire
Brave la rigueur.
Agathe ! ô mon âme,
L’amour te réclame…
Quel jour fatal a lui pour moi,
La terreur est dans son âme,
Son regard trahit l’effroi !
Ah ! renais à l’espérance :
Que ton cœur lui donne accès.