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V

RETOUR


On resta plus d’un mois sur la rade de l’île ; c’est dire qu’on eut du temps pour décharger une maigre pêche et la remplacer par des tas de caisses de marchandises et d’objets divers que nous devions rapporter en France. Plusieurs fois nous allâmes travailler à « l’habitation » de notre armateur. Mais cette terre ne me disait plus rien au moment de repartir pour la vraie, pour celle que j’avais désespéré de revoir. J’eus cependant l’occasion d’y voir à l’œuvre des jeunes gens plus malheureux que je ne l’avais été ; je veux parler des « graviers », enfants de douze à dix-huit ans qui font sécher la morue sur de vastes champs de galets appelés « graves ». Je ne sais au juste dans quels coins du Finistère et du Morbihan on raccole ces pauvres travailleurs, au prix dérisoire de cinquante à cent francs pour toute une campagne. Du lever jusqu’au coucher du soleil, ils marchent ou plutôt ils courent sous la surveillance et au son des appels stridents du sifflet du